La série Timelines prend comme point de départ notre perception du temps : le temps représenté dans l’œuvre d’art et le temps de la perception de l’œuvre d’art elle-même. Les œuvres de cette série peuvent être considérées comme des œuvres individuelles et autonomes, ainsi que comme des parties interdépendantes du projet plus vaste « Timelines ».
On peut considérer le temps de différentes manières. Le temps est facilement compréhensible lorsqu’il s’agit de durées d’une mesure humaine, mais il reste mystérieux lorsque l’on parle de durées longues ou vraiment courtes.
Une œuvre d’art plastique ne peut pas être saisie complètement en un instant. Pour en avoir une vision complète, il faut en parcourir les détails. La dimension du temps est implicite. Dans l’art vidéo – une de mes formes d’art préférées – vous êtes obligé de regarder le temps ; la dimension du temps est explicite. Tant dans mes vidéos que dans mes photos, je recherche les points de contact mutuels dans leur expérience du temps.
En raison des formats exceptionnellement larges de la plupart des œuvres du projet « Timelines » (500 cm x 38 cm si vous ne tenez pas compte des bordures noires) et de leurs détails, il est impossible de les regarder en une seule fois. Une vue de loin ne montre qu’une longue bande. Il n’y a que deux façons de les percevoir réellement. La première est linéaire, de gauche à droite, ou à l’opposé : on voyage dans l’espace et le temps comme s’il s’agissait d’une vidéo. Ensuite, il y a la méthode non linéaire, qui consiste à choisir les endroits les plus intéressants et à découvrir leurs détails, comme dans une capsule temporelle.
Ceux qui ne veulent pas voir « quelque chose » dans les installations de « Timelines », n’y verront rien. Il est nécessaire que le spectateur se plonge dans la photo. Et, à bien des égards, il n’a pas besoin de mon installation pour retrouver la même expérience dans la vie réelle : il lui suffit de regarder le sol, où que ce soit dans le monde, pour faire le travail. C’est une forme d’art minimal.
Lorsque j’étais étudiant, dans les années 80, j’ai eu la chance d’interviewer John Cage lors d’une de ses dernières tournées européennes. Pour ma série « Timelines », son influence a été énorme. Non seulement pour sa vision qui brouille la ligne entre l’art et l’environnement quotidien (les sons « naturels » de l’environnement quotidien sont considérés comme de l’art, les intentions artistiques sont condamnées et sans importance), mais aussi pour sa vision du temps comme quelque chose de statique, sans drame ni but.
Les œuvres de la série « Timeline » peuvent ressembler à une photo, mais chacune d’entre elles est un collage de nombreuses photos détaillées, toutes prises le même jour et plus ou moins au même endroit.
Je les imprime sur des bâches publicitaires, le plus souvent de 5 mètres de long et 55 cm de haut. J’aime travailler sur ce matériau en raison de son caractère de support commercial omniprésent, véhiculant des messages stéréotypés et éphémères – plus ou moins à l’opposé de ce pour quoi je l’utilise, presque comme la transvaluation des valeurs de Nietzsches (mais dans l’autre sens). Le simple fait que la bâche soit un matériau abordable qui dure longtemps est (pour moi) aussi un grand avantage.
Les œuvres de la série Timelines peuvent être exposées sur un mur, sous forme de bande horizontale, mais aussi posées au sol. De toute façon, la plupart sont des collages de photos du sol, donc la dernière solution est quelque part la plus naturelle, tandis que la première donne un effet plus aliéné.