Les refugiés étaient venus des mêmes continents que les touristes, avec leurs sacs, leurs tentes et leur désespoir. Je me demandais qui pouvait avoir l’autorité morale pour accepter un groupe d’étrangers et refuser l’autre. Il m’a fallu un certain temps pour trouver la bonne façon de canaliser ma gêne et ma honte.

Voici donc le Jugement Dernier

J’ai développé mon Jugement dernier dans un triptyque photographique et monumental. Les panneaux mesurent chacun 216 x 200 cm. Je les ai imprimés sur une bâche publicitaire.

À gauche, les personnes qui sont les bienvenues : sportifs, hommes d’affaires, touristes. Pour leur panneau, je me suis librement inspiré de la Marianne de Géricault. A droite, les maudits, les « autres ». Leur panneau fait référence aux innombrables versions du thème de la piéta et des statues de la Vierge Marie avec son enfant. Au milieu, vous trouverez ceux qui pensent avoir une autorité, représentés comme Dieu dans les représentations du Jugement dernier.

J’ai posé les acteurs (amateurs) dans des poses sacrées, assez statiques, inspirées des mosaïques néobyzantines que l’on voit dans de nombreuses églises jusqu’aux années cinquante du XXe siècle, comme par exemple la basilique Saint-Christophe de Charleroi, la ville où j’habite.

La photo

Bien que l’installation semble être une photo, il s’agit en fait d’un collage photographique. Tous les personnages sont photographiés individuellement, et même des parties de leur corps ont été photographiées séparément. Cela me donne plus de liberté pour l’éclairage et le montage d’un côté, et provoque une aliénation de l’image. La distance entre le spectateur et les personnes représentées augmente ; et l’image cesse d’être un portrait et devient une image.